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La tentation de l’agrément vente

La mise en œuvre pratique de l’agrément vente pose beaucoup de questions, entre articulation avec les CEPP et rôle des équipes pour informer les agriculteurs sur les produits phytosanitaires.

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Au vu de la contribution à la marge, bon nombre de distributeurs réfléchissent à se tourner vers la vente. Et pour les entreprises réalisant de l’application de produits phytos en prestation de service, notamment pour les semences, choisir le conseil signifierait y renoncer aussi, l’agrément application étant incompatible avec celui du conseil. Pour résumer, pour une coopérative ou un négoce détenteur d’un agrément vente après le 1er janvier 2021, il est impossible de faire du conseil stratégique ou du conseil à l’utilisation de produits phytosanitaires. En revanche, il est possible de continuer de conseiller l’agriculteur sur ses choix d’engrais, de biostimulants, de semences, ou sur ses rotations et ses pratiques culturales. Sur le terrain, les équipes s’interrogent sur la cohérence du conseil, s’il est possible de parler de tout, sauf de produits phytos, quand la réduction de leur utilisation doit être pensée dans une approche globale.

La fin des groupes 30 000 ?

D’autant plus que les services de l’État envisagent de rendre la vente incompatible avec l’animation de nouveaux groupes 30 000. « C’est une catastrophe, s’insurge Sandrine Hallot, à la FNA. Dans ces groupes, il peut s’agir de conseil sur du biocontrôle faisant l’objet de fiches CEPP (certificats d’économies de produits phytopharmaceutiques), ou pour acquérir des données en vue de proposer une fiche action. On nous coupe de notre R&D sur la réduction des phytos. On nous cantonne à un rôle de méchants vendeurs. C’est complètement incohérent. »

Le futur rôle des TC dans la vente des phytos pose aussi question : où s’arrête le conseil à l’utilisation des produits et où commence l’information lors de la vente ? Celle-ci étant obligatoire, quelque soit le produit vendu. L’ordonnance le mentionne bien, en précisant que « l’incompatibilité ne fait pas obstacle à ce que [les distributeurs] délivrent les informations [de l’article L.254-7 du code rural] ». Soit des infos « appropriées concernant l’utilisation, notamment la cible, la dose recommandée et les conditions de mises en œuvre, les risques pour la santé et l’environnement […] et les consignes de sécurité ». « Deux codes vont s’affronter : le code rural et le code du commerce », analyse Vincent Bernard, délégué général de Négoce Ouest. « Tout se joue dans les détails, que l’on ne connaît toujours pas, déplore Didier Nedelec, délégué général de la FNA. Où doit-on s’arrêter dans l’information ? Où est la virgule ? La seule certitude, c’est qu’il faudra arrêter de faire du conseil de préco au 1er janvier 2021. » Avec la réforme, l’obligation qui imposait aux distributeurs de formuler, au moins une fois par an, un conseil spécifique individualisé à ses clients professionnels est supprimée.

Une question en entraînant une autre, seule constante dans ce dossier, qui fera ce conseil de préco phytos auprès des agriculteurs ? Sachant qu’ils devront payer pour un service souvent considéré comme gratuit car compris dans le prix du produit, et que ce conseil, a contrario du stratégique, n’est pas obligatoire. « Libre à l’agriculteur de se débrouiller avec l’étiquette du produit phytos ou de trouver quelqu’un qui peut lui délivrer le conseil, résume Vincent Bernard. Aujourd’hui, le conseil de préconisation est surtout fait par le distributeur. Les entreprises de conseil sont peu nombreuses, ce ne sera pas suffisant pour les accompagner. » Encore faut-il qu’ils soient prêts à mettre la main au portefeuille. « En général, les agriculteurs ne vont pas payer, juge Olivier Bidaut, PDG du négoce Asel, dans l’Aisne. Je dirais que 15 à 20 % sont prêts à payer pour un conseil de préconisation. »

Des référents CEPP

Au négoce SCPA, Xavier Métaireau, le directeur, s’interroge : « Quelle relation aurons-nous demain avec l’agriculteur ? » Quelle qu’elle soit, il faudra continuer à promouvoir les fiches actions des CEPP, dispositif à l’origine expérimental, pérennisé par la loi EGalim. L’ordonnance du 24 avril prévoit que les vendeurs puissent faire du conseil pour les solutions concernées par les fiches actions CEPP. Un décret publié en novembre fixe désormais l’obligation pour l’année 2020 à 60 % de l’obligation notifiée au titre de 2021. « Nous n’avons pas assez de fiches actions », martèle Olivier Bidaut. Les grandes cultures en particulier posent problème : La Coopération agricole estime que, en moyenne, seulement 15 % de l’objectif est atteint. Or si les pénalités en cas de non-atteinte ont été supprimées, les entreprises, pour valider leur agrément vente, doivent avoir « mis en œuvre les moyens nécessaires pour satisfaire aux obligations » des CEPP, indique l’ordonnance. Là encore, en attendant les arrêtés, c’est le grand flou. Difficile d’indexer l’octroi de l’agrément à l’atteinte des objectifs : dans ce cas, beaucoup d’entreprises s’en verraient privées. Un casse-tête pour les services de l’État. Selon La Coopération agricole, « le fait de disposer d’un référent CEPP au sein de l’entreprise ou d’avoir réalisé un diagnostic de la situation par rapport aux activités de l’entreprise sont des exemples des moyens pouvant être mis en œuvre par une entreprise ». Comme pour la frontière entre information et conseil à l’utilisation des phytos, tout se jouera dans les détails des référentiels.

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